En même temps qu'a été publié la signalétique, un documentaire nommé Niveau suivants expliquant la démarche et enquêtant sur la régulation du secteur du jeu vidéo est sorti. Vous pouvez le visionner sur Videonaute ou directement ici :

Documentaire Niveaux suivants (55 minutes).

Mais comment tout à commencé ? Pourquoi j'ai décidé de m'attaquer à ce sujet ?

Genèse

En réalité, au départ je n'étais pas très au fait sur la régulation des jeux vidéo. Je connaissais PEGI mais, je ne voyais pas les tenants et la aboutissants de ce système. La vidéo "Les lobbyistes du jeu vidéo s'imposent face aux législateurs. Privé 2 Dessert #3" a éclairé ma lanterne. Cette vidéo publiée sur la chaine d'UnDropDansLaMare a parfaitement cerné le sujet. On y apprend que PEGI tout comme son homologue américain, l'ESRB, sont des systèmes de classification mis en place par les industriels pour supplanter une quelquonque législation. Et on le voit encore très récement sur les lootboxes, ces boites surprises virtuelles qui font débat, celles-ci vont bientôt avoir une signalétique dédiée chez PEGI !

Les nouvelles signalétique PEGI pour les lootboxes. 'Achats intégrés : Inclut des Contenus Aléatoires'

Les nouvelles signalétique PEGI pour les lootboxes.

Les industriels ne veulent surtout pas qu'il arrive ce qui est arrivé en Belgique où la commission des Jeux de Hasrad belge s'est emparré du sujet. Régulation, halte là ! Les industriels préfère laver leur linge sale entre eux. On notera tout de même un phrasé étrange pour ces lootboxes. Si le terme anglais est à éviter, "Achat de contenus aléatoires" aurait été plus parlant que "Achats intégrés : Inclut des Contenus Aléatoires"…

Jeux vidéo versus Cinéma

Les signalétiques pour jeux vidéo comme PEGI et l'ESRB sont facultatives, non contraignantes et entièrement géré par les industriels. Lorsqu'un studio de jeu vidéo a terminé de développé son jeu, il rempli un formulaire (ou demande à son éditeur de le faire) et paye PEGI pour obtenir une classification. Ensuite, selon la communication officielle, PEGI teste le jeu pour vérifier que les éléments du formulaire sont bien présents dans le jeu. Déjà, on a de quoi s'intéroger. Est-ce que PEGI vérifie également l'absence d'éléments qui ne sont pas rempli dans le formulaire ? Par exemple, si un éditeur ne déclare pas qu'il y a de grossiertés dans son jeu, est-ce que PEGI vérifie qu'il n'y a pas quelques gros mots tout de même ?

Dans un article publié en 2015, le journal Le Monde tentait de comparer PEGI et la signalétique d'âge du cinéma délivrée par le CNC (le Centre National du Cinéma et de l'image animée). Selon eux, le jeu vidéo serait "une production bien plus sévèrement contrôlée que le cinéma". Leur démonstration est simple : la proportion de jeux PEGI 18 (déconseillé au moins de 18 ans) est plus importante que les films déconseillés aus mineurs. Cependant, la démonstration comporte plusieurs biais. On peut citer le fait que l'on compare un système contraignant à un autre non contraignant, voir bénéfique. L'avocat William O'Rorke me confiait qu'avoir un film déconseillé aux mineurs était une hantise pour les producteurs et productrices de cinéma. En effet, être classé "moins de 18" dans le cinéma fait perdre beaucoup de financement. En plus, la diffusion est également plus compliquée avec les cinéma ne voulant pas projeter ces films interdits aux enfants. A l'inverse, pour le jeu vidéo, un PEGI 18 n'a aucune incidence. Pire, il peut même être bénéfique ! Comme le montre cette étude, l'attirance des jeunes consommateur est accrue pour les jeux avec forte signalétique, les transformant à leur yeux en des fruits interdits. Les industriels l'ont d'ailleurs bien compris. Les campagnes publicitaires et marketing mettant la transgression et les sujets violents en avant sont nombreuses.

De façon générale, il est difficile d'analyser PEGI sous le prisme de données quantitatives seules. Aucun audit indépendant n'a été fait pour juger de la qualité, et c'est là tout le problème. Sans contre-pouvoir, cette instance n'est pas démocratique.

L'histoire du "moniteur des réseaux sociaux" de PEGI

Une des autres raisons qui m'a pousé à tenter de déposer ma propre signalétique et à réaliser un documentaire a été l'opacité de PEGI.

En tant que joueur·euse, il est difficile voir impossible, par exemple, de mettre la main sur le fameux questionnaire que doivent remplir les éditeurs de jeux. Pour ma part, j'ai du me créer un compte éditeur sur PEGI pour pouvoir simplement lire le questionnaire. La classification de certains jeux et quelques incongruités me posait question. Pourquoi tel jeu à cette signalétique et pourquoi pas tel autre jeu ? Ces questions, on est beaucoup a se les poser. La BnF avait aussi relevé dans une Revue de Livres Pour Enfants (RLPE 292 p.175) "qu'en 2007, le jeu Kirikou s’est vu attribuer un PEGI 7 sous l’influence puritaine anglo-saxonne, du fait des poitrines dénudées, alors que le public du héros de Michel Ocelot se situe dans la tranche d’âge inférieure".

Mais une chose qui m'avait frappé est que j'avais tenté de contacter PEGI pour poser mes questions. J'avais reçu des réponses de la novlangue mais, alors que je publiais tranquillement mes intérogations sur Twitter, j'ai reçu un autre mail de PEGI m'informant que "leur moniteur de réseau social leur avait notifié que j'avais publié les réponses qu'il m'avait donné sur Twitter". Il est bon de savoir qu'à chaque fois que vous publiez le mot "PEGI" sur Twitter, même si vous écrivez en français, il y aura quelqu'un chez PEGI qui le traduira et qui le lira !

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